Il était une fois un pied de vigne à l'abandon, qui s'était tellement ramifié qu'on n'en voyait plus le bout. Je ne sais pas d'où est venue la tite graine mais elle a pris et bien pris, sous la grange où pourtant elle n'est jamais arrosée, mais ça ne semble pas la déranger. Peut-être qu'elle vient du pays du haricot magique ! La vie des graines est vraiment mystérieuse... Heureusement la vigne monte beaucoup moins haut que le haricot magique, pas besoin d'échelle, pas de torticolis, je l'ai à portée de main.
De temps en temps, il y a un peu d'animation le long de ses ramifications et des tites bêtes s'y promènent, se posent sur ses feuilles ou arpentent ses tortillons.Tout a commencé avec une punaise coopérative. J'avais repéré les endroits les plus photogéniques dont une petite feuille bien située avec un arrière plan sympa, qui ferait un perchoir parfait, mais Madame Punaise a rechigné à faire la star. Au début, elle m'observait du coin de l’œil sans daigner se déplacer d'un centimètre, alors je l'ai laissée là, et je suis revenue plusieurs fois dans la journée voir si elle était dans de meilleures dispositions, mais je la retrouvais chaque fois pile au même endroit. Ça peut bouder longtemps une punaise ! Peut-être qu'elle avait perdu au concours de Miss Punaise et qu'elle ne digérait pas son échec !
Puis d'un coup ça lui a pris, elle est partie d'un trait, comme si on lui avait piqué sa carte bleue, et a commencé à jouer aux montagnes russes le long des tiges, et là tout est devenu compliqué. Faire la mise au point avec une profondeur si courte sur un sujet qui dévale les pentes au milieu de feuilles agressives, est assez sportif et je me suis fatiguée avant elle.
Lorsque je suis revenue un moment plus tard, a-t-elle eu pitié de moi ou s'est-elle fatiguée, en tout cas elle a commencé à faire des pauses et à se rapprocher peu à peu de la tite feuille que j'avais convoitée, jusqu'à s'arrêter dessus, pour que je lui tire le portrait sous tous les angles. Sûrement l'appel des projecteurs ! Je m'étais bien pressée pour rien, une heure plus tard elle était toujours là, sans avoir bougé d'un centimètre et comme je l'avais mitraillée sous tous les angles, je l'ai finalement abandonnée là, sur son piédestal ! Ça peut durer longtemps une sieste de punaise...
Cette punaise a été la première d'une longue série, coccinelles qui ont le feu aux fesses, fourmis qui trottent trop vite, téléphore qui s'envole trop tôt, araignées qui se défilent, gendarmes qui me rient au nez, sauterelles qui bien sûr... sautent, ou punaises qui jouent au toboggan sur les tranches des feuilles de vigne... La macro c'est plus sportif qu'on croit. J'ai même eu un invité surprise avec le fulgore d'Europe, une punaise au nez pointu qui semble tout le temps chercher le sens du vent.
Bien sûr fermer le diaphragme augmente un peu la profondeur de champ et fait gagner un peu de netteté, mais sur un objectif macro on parle toujours en millimètres et surtout ça enlève vite de la douceur à l'arrière plan, il faut donc trouver le juste milieu, c'est le dilemme de la macro.
Côté mise au point, il y a 2 alternatives soit j'essaie de suivre les courses des bébêtes appuyée sur le trépied pour gagner un peu de stabilité, sans y visser le boitier pour garder une certaine liberté pour suivre les bébêtes, soit je joue à deviner, ou espérer... sa trajectoire. Je fais la mise au point en avant de la bébête et j'attends en espérant qu'elle viendra jusque là... et qu'il n'y aura pas de vent car ces petites ramifications de vigne sont particulièrement sensibles au vent, on s'en rend compte très vite... Si la bébête est bien inspirée, et passe dans ma zone de mise au pont je l'accueille avec une belle rafale. Ensuite il ne reste plus qu'à faire le tri des photos !
Au delà des bébêtes, ce qui m'attire ce sont les tortillons de la vigne aux rondeurs et aux formes parfois surprenantes qui sont une invitation à des compositions originales, et titillent l'imagination. L'idéal bien sûr sera d'avoir le tortillon et la bébête bien placée. A ce jeu-là c'est une fratrie de punaises vertes juvéniles qui m'ont aidée. En plus les punaises vertes juvéniles sont bien plus mimi, avec leur silhouette rondouillarde de jeune et leur carapace colorée, qu'avec leur tête au carré (et leur odeur !) d'adulte.
Quand la nature devient graphiste, elle déroule courbes, rondeurs et anneaux sans état d'âme, et le photographe n'a plus qu'à se laisser surprendre. Cette capacité de la vigne, à s'enrouler langoureusement autour de tout ce qu'elle croise sa route, interpelle, intrigue et titille l'imagination. Lorsqu'elle referme ses vrilles sur ses hôtes comme pour les câliner un peu, la vigne ressemble à une mère poule qui cherche à rassembler ses petits comme pour en faire une grappe. Peut-être que c'est ça le secret de la vigne...
Pour les amateurs, les vrilles se cuisinent aussi, comme vous pourrez le voir sur cette recette de Cathy Bernot, qui est aussi une photographe pleine d'imagination : https://cathy-bernot.com/tartinade-vrilles-feuilles-de-vigne/2537/
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Stef (dimanche, 27 décembre 2020 16:17)
Très bel article agrémenté de superbes photos
patrick pichard (dimanche, 27 décembre 2020 16:50)
Une série absolument magnifique avec toutes ces courbes et ces ondulations. un bokeh magnifique et des commentaires pleins d'humour : j'adore. Continues à nous régaler avec tes images monique :D
Brigitte (lundi, 28 décembre 2020 18:58)
Excellente balade au pays de la vigne et de la macro ! Merci Momo !
Philippe VENOUIL (mardi, 29 décembre 2020 08:01)
C'est beau, c'est doux, c'est bon, c'est poétique. .. C'est magnifique !
Failly viviane (mardi, 29 décembre 2020 18:12)
Punaise, que c'est beau!
Bruvinc (mardi, 12 janvier 2021 07:41)
De belles macro,des beaux bokehs ,superbe balade dans la vigne!!!!!! Bravo