Il était une fois une petite fleur qui aimait les grands arbres. L'anémone sylvie tient son nom de son côté sylvestre et s'en est fait un prénom. Elle aime les vieilles forêts, les sous-bois de feuillus frais, sous lesquels elle étire de larges tapis pour apporter une touche de couleur aux arbres encore engourdis par l'hiver. Dans l'ombre de leurs branches, elle s'active doucement et déploie ses feuilles dans la litière épaisse pleurée par les chênes dès la fin de l'automne.
Elle gonfle ses boutons au mois de mars et, bercés par les épaisses racines de bois, ils éclosent avant que les arbres ne s'habillent de feuilles pour pouvoir capter un maximum de lumière; Ses fleurs blanches, ou blanc-rose parfois, suivent la course du soleil pour mieux réfléchir les UV et se faire remarquer par les insectes pollinisateurs, encore peu nombreux.
Ses petites fleurs ne sont pas frileuses. La brise matinale soulève leurs pétales et caresse leurs nervures, mais confortablement blotties dans leur litière d'automne qui les protège, la fraicheur matinale ne les gêne pas. Le printemps sera bientôt là et elles sauront l'accueillir. Tout le petit peuple de la forêt l'attend. Mais l'anémone n'est pas pressée, et moi non plus. A cette époque de l'année, il y a encore peu de sujets à se mettre sous l'objectif, alors je reviens souvent la voir. Elle a un petit mois devant elle pour faire sa star. Les insectes sont encore peu nombreux et les jonquilles et les pervenches, avec les violettes qui ont succédé aux perce-neiges sont à peu près les seules à tenir tête aux dernières gelées. Alors, vive l'anémone sylvie !
J'aime capter son cœur de douceur si fragile et ses petites étamines jaunes, qui lui donnent une touche de couleur discrète. Evidemment pour être à sa hauteur, il faut ramper le nez dans l'herbe, et ne pas éternuer au mauvais moment. La photo ci-dessus date du temps où l'écran orientable ne faisait pas encore partie des accessoires du photographe, du moins des miens. Il fallait se coucher par terre, se contorsionner pour trouver le bon angle, résister aux fourmis qui vous grimpaient dessus, aux herbes qui venaient gentiment vous chatouiller l'oreille, retenir son souffle, mettre le bon œil dans le viseur, le bon doigt sur le déclencheur et... clic clac. Heureusement, celle-ci était un peu perchée sur un rebond de terre et il a été facile de lui donner un avant plan qui lui apporte un peu plus de douceur.. Aujourd'hui, l'écran orientable a facilité ce côté "sportif", même s'il faut toujours faire attention où l'on s'assied, pour ne pas écraser ses sujets !
L'anémone n'aime pas la pluie. Par temps humide, ses fleurs se referment pour protéger leur précieux pollen, même si leur reproduction est bien plus assurée par les boutons de leurs rhizomes que par leurs fruits, de petits akènes poilus qui attirent les fourmis pour être dispersés sous les arbres. Dans le sol, ses rhizomes progressent de 2 à 3 cm par an, lentement mais sûrement. A la fin du printemps les bourgeons sont déjà formés sur les rhizomes et préparent les fleurs de l'année suivante, avant que la plante entre en dormance, pour échapper à la chaleur de l'été. Un large tapis d'anémones est donc un bon indicateur de l'ancienneté de la forêt qui l'abrite.
Lorsque le soleil revient, il faut encore être patient, les anémones ne s'ouvrent pas n'importe comment, elles savent se faire désirer. Il faut qu'un rayon même timide, vienne leur chatouiller le menton, et leur demande gentiment de s'ouvrir, pour les faire frissonner et écarter doucement leurs pétales.
Comme souvent, les photos sont prises à contre-jour, au soleil rasant du petit matin. Pas la peine d'y aller pour le lever de soleil, elles ne sont pas encore ouvertes, ni pour le coucher de soleil, elles sont déjà fermées. Je vous ai évité un aller-retour ! au prix où est l'essence c'est toujours ça de gagné !!!
Le matin l'anémone est paresseuse, elle n'est pas la seule ! Elle fait la grasse matinée dans sa litière épaisse et attend la première caresse du soleil pour bailler doucement et s'étirer enfin. Heureusement, la lumière rasante des premiers rayons me suffit. Mon coin d'anémones préféré est situé près d'un trou d'eau où les feuilles mortes se sont amassées tout l'hiver. Il suffit d'attendre le bon moment, celui où les rayons explosent sur les feuilles mortes recouvertes de rosée, et provoquent le flare, ces ronds de lumière plus ou moins nombreux, qui habillent l'arrière plan, sinon il faut aller chercher plus haut les trouées de lumière à travers les branches ou à travers des herbes hautes. Mais avec le boitier posé sur le sol, ça ne marche pas toujours, la nature sait aussi réserver ses mystères et ses surprises ... à ceux qui ne se lèvent pas tôt !!!
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Brigitte (jeudi, 29 décembre 2022 16:02)
Merci et bravo pour cette page botanico-poétique, ou l'inverse, et comme d'habitude empreinte d'un bon zeste d'humour.