Il était une fois, une rivière née en Lozère, au creux de la Margeride. Elle dévale la Lozère, le Cantal et l'Aveyron avant de se jeter tête la première dans le Lot, après avoir bordé le nord du parc régional de l'Aubrac. Au fil de ses 200 kilomètres, elle serpente le plus souvent au creux de gorges profondes, éloignant cruellement les habitants de la rive gauche de ceux de la rive droite, à tel point qu'en 1884 un ingénieur de la ville, un certain Gustave Eiffel, est venu construire un viaduc à Garabit, pour faire passer le train.
En 2014, nous avons exposé à Ste Geneviève sur Argence à l'occasion de la Davalada avec le forum/club Instinct-photo, année de la vidange du lac de Sarrans, un des principaux lacs artificiels alimentés par la Truyère. Le premier matin avant l'ouverture de l'expo, j'ai voulu répondre à l'appel de la brume, mais comme il y avait des déviations un peu partout à cause de la vidange du barrage, nous nous sommes perdus dans la brume (ça arrive !) et nous avons bien tourné en rond avant d'apercevoir un écriteau salvateur : observatoire du saut du chien.
Après un petite grimpette surprise, et quelques marches d'escalier, l'idée s'est révélée excellente. Du haut de l'observatoire, un spectacle superbe s'est dévoilé, comme une apparition. Une mer de brume flottait sur la vallée et nous avions la chance d'être juste au-dessus. La tension est retombée d'un coup, et la magie a opéré instantanément.
Rapidement les boitiers ont crépité et les cartes mémoires sont montées en température, et pourtant vous ne verrez pas une seule photo de la Truyère qui se réchauffait, soigneusement emmitouflé sous la ouate, comme se elle voulait faire durer encore sa grasse matinée jusqu'à la fin du jour.
La brume semblait surnager entre deux mondes, comme irréelle. Elle décrivait des courbes éphémères sur les collines et les massifs de sapins, elle dévoilait les hameaux, les fermes, les vaches ; et dans ces maisons que je ne connaissais pas, qui s'étiraient déjà sous le soleil, des vies coulaient doucement, comme la rivière que l'on ne voyait pas.
Quelle chance d'avoir pris une focale longue. Il ne restait qu'à attendre que la brume ouvre une porte, un tiroir secret, comme une surprise, un cadeau de Noël. On ne sait plus où est la limite entre rêve et réalité et le hasard avait bien fait les choses en nous perdant sur ces routes muettes.
La brume est une magicienne et les arbres sont ses petits lutins. De sa baguette magique elle soulève ses formes chaloupées, révélant un sujet puis un autre comme si elle hésitait. Elle se joue des obstacles, les enrobe, les caresse et les fait disparaitre dans son large manteau ouaté, puis, abracadabra, elle les fait réapparaitre une fois encore. La couverture magique se dissipe peu à peu, en emportant son aura de mystère et le soleil fait fondre le nuage qui n'en est pas un jusqu'à la nuit suivante. Il faut bien laisser le temps faire son œuvre. Le plus difficile sera de retrouver le chemin...
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Viviane Failly (mardi, 16 novembre 2021 13:50)
Cet été nous avons fait la rando dans les gorges de la truyėre, c'etait beau et sauvage mais....pas un iota de brume! Par contre on a raté ce promontoire.
Jean-Louis R (jeudi, 18 novembre 2021 08:45)
La cascade du saut du chien, avant d'être "civilsée " par la construction du barrage de Montézic, était un de mes lieux favori pour partir à l'aventure et faire de l'escalade avec mes copains.... Souvenir-souvenir...
Mais tes photos de brumes sont toujours aussi féérique !